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raire, et en ayant soin de partir peu de temps après l’Anglais, de manière à suivre de loin ses traces.

En rentrant à l’hôtel, je trouvai le souper servi. Une petite table était dressée pour moi ; plus loin, milord avait la sienne, où il mangeait en compagnie d’une jeune demoiselle, sa fille, que je n’avais point encore vue. Elle était belle, éblouissante de fraîcheur, et ses manières présentaient ce mélange de grâce et de roideur qu’on rencontre souvent chez les jeunes Anglaises qui appartiennent aux classes aristocratiques. Comme je sais l’anglais, j’aurais pu profiter de leur conversation, sans toutefois y prendre part ; mais elle se borna à l’échange de quelques monosyllabes qui exprimaient un dédain rempli de dignité, au sujet du service des gens, de la qualité des mets, ou de l’équivoque propreté des ustensiles. Ces mets eux-mêmes étaient singulièrement choisis, et plus singulièrement répartis. Mademoiselle s’était fait servir un large beefsteak, et ses jolies lèvres ne dédaignaient point de livrer passage à quelques rasades d’un vin que je jugeai devoir faire partie de la provision de voyage. Pendant ce temps, milord s’occupait de se préparer un thé qui devait constituer tout son repas. Il mettait à cette opération ce soin minutieux, cette importance grave que sait y mettre un Anglais comme il faut ; et, bien que toute la maison fût sur pied à l’occasion de ce thé, prête à tout faire, prête à se mettre au feu pour que ce thé fût parfait, milord accueillait toute la maison avec cette humeur roide qui, souvent aussi, caractérise l’Anglais de qualité, en voyage, à l’auberge, et sur le continent.

Sur la fin du souper, le guide entra. — Holà ! hé ! dites donc, monsieur, il nous faut partir de grand matin. Je viens d’examiner le temps : vers midi nous