demi-voix et sans m’adresser encore à personne, sublime spectacle !…
Rien ne bougea, rien ne répondit. Je m’approchai :
— Monsieur, dis-je fort gracieusement, arrive sans doute de Chamonix ?
— Uï.
— J’en suis moi-même parti ce matin.
L’Anglais bâilla une seconde fois.
— Je n’ai pas eu, monsieur, l’avantage de vous rencontrer en route ; il faut que vous ayez passé par le Col de Balme ?
— No.
— Par le Prarion, peut-être ?
— No.
— J’y arrivai hier par la Tête-Noire, et je me propose de passer demain le Col d’Anterne, si toutefois je puis trouver un guide. Vous avez pu, me dit-on, vous en procurer un ?
— Uï…
Uï ! no ! le diable l’emporte ! disais-je au dedans de moi-même. Sot animal ! Puis, me décidant à brusquer l’affaire : — Y aurait-il de l’indiscrétion, monsieur, dans le cas où je ne pourrais me procurer un guide, à vous demander la permission de m’associer à vous, en payant le vôtre de moitié ?
— Uï, il y avé de l’indiscréchon.
— En ce cas, je n’insiste point, lui dis-je. Et je m’éloignai tout enchanté de ce colloque intéressant.
C’est une heure charmante, en voyage, que celle du soir, lorsque, dans une contrée solitaire et sauvage, on erre doucement, à l’aventure, sans autre soin que de voir ce qui se présente, que de converser avec le passant, que d’amener à point un appétit que la marche a déjà