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C’est pourquoi, dès que je fus arrivé dans la petite hôtellerie de Servoz, je m’informai de la nature des cols et passages. On me parla du Col d’Anterne : c’est une gorge étroite, resserrée entre les pics des Fiz et les bases du mont Buet ; le sentier est difficile, la cime âpre et décharnée… je vis que c’était mon affaire, et je résolus de m’y engager le lendemain sur les traces d’un bon guide. Par malheur il n’y a point de guides dans l’endroit, et l’on ne put que m’indiquer un chasseur de chamois, qui pourrait, disait-on, m’en tenir lieu ; mais il se trouva que cet homme était déjà engagé par un touriste anglais, qui voulait se rendre à Sixt par la même route que je me proposais de prendre.

Ce touriste, je l’avais vu sur le seuil de l’auberge, à mon arrivée. C’était un gentleman de bonne mine, d’une mise aussi propre que recherchée, et de manières très-distinguées ; car il ne me rendit point le salut que je lui adressai en passant : c’est chez les Anglais bien élevés un signe de bon ton, d’usage du monde. Toutefois, quand j’eus appris que le seul homme de l’endroit qui pût me guider au Col d’Anterne se trouvait déjà engagé par ce touriste, je revins auprès de celui-ci, fort désireux de l’amener à me permettre de me joindre à lui pour passer le Col, en payant de moitié le chasseur de chamois.

L’Anglais était assis en face du mont Blanc, que d’ailleurs il ne regardait pas. Il venait de bâiller ; je bâillai aussi, en signe de sympathie ; après quoi, je crus devoir laisser s’écouler quelques minutes, pendant lesquelles, milord ayant eu le temps de se familiariser avec ma personne, je me trouverais ensuite comme présenté, comme introduit à lui. Lorsque le moment me parut propice : — Magnifique ! dis-je à