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— C’est que ce n’est pas gai, ce que monsieur dit là.

— Je crois vraiment que tu n’en conviens pas.

— Si, monsieur, mais…

— Ne réplique rien. Va-t’en, laisse-moi, disparais.

Je m’occupai aussitôt de mettre mes bottes pour sortir, afin d’échapper à mon parrain, dont l’importunité provoquait en moi les plus violents mouvements d’humeur. Non, disais-je, tant que cet homme voudra faire mon bonheur, je n’aurai pas un instant heureux ! Quel rude esclavage ! et qu’un héritage est dur à gagner ! Il me plairait de rester tranquille chez moi ; eh bien, non, il faut que je m’en chasse moi-même ! Ici, mon tirant de botte cassa ; je ne manquai pas de m’en prendre à mon parrain, que j’envoyai à tous les mille diables d’enfer…

— Monsieur ?

— Recouds ce tirant. Vite.

— C’est que… monsieur votre parrain est là !

— Imbécile ! J’étais sûr que tu me le pousserais à la traverse. Eh bien, moi, je n’y suis pas. Entends-tu ?

Jacques sortit épouvanté, et sans oser prendre de mes mains la botte, dont le tournoiement menaçant accompagnait l’emportement de mes gestes et la fureur de mes yeux. Il était à peine sorti, que mon parrain entrait radieux, et tout plein de la plus désolante bonne humeur. — En route ! en route ! Édouard. Eh bien ! tu n’es pas prêt ? Dépêche-toi, pendant que je me chauffe les pieds.

C’est toujours une chose déplaisante que cette familiarité amicale qui se campe chez vous, occupe votre foyer, s’étale dans votre fauteuil, et croit ne faire qu’user des droits de l’amitié, en violant l’abri du domicile et la liberté du chez-soi. Cette manière était éminemment