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trompé dans mon attente, je rentrais bientôt dans mes perplexités.

Après quelques instants de silence, ayant écarté doucement le rideau, je reconnus que la jeune fille s’était endormie paisiblement. Par un scrupule dont je compris la cause, elle avait écarté le manteau de dessus elle, et s’était enveloppée de la couverture. Je ne pus résister au désir de contempler ses traits, en sorte qu’ayant approché la lumière, mes yeux purent se repaître du spectacle de sa beauté, que rehaussaient un air de grâce négligée et le doux éclat d’une pâleur touchante. Quelques cheveux épars voilaient à demi son front virginal, tandis que son cou délicat reposait sur les tresses en désordre de sa longue chevelure. Jamais, dans une situation plus enivrante, de plus rares attraits n’avaient séduit ma vue, ni plongé mon cœur dans le délire de plus vifs transports. Néanmoins j’eusse plutôt percé mon sein d’un fer qu’osé flétrir par un seul baiser les roses intactes de ce modeste visage. Seulement je m’étais baissé pour pouvoir respirer cette haleine dont la douce atteinte suffisait à embaumer mon cœur et mon imagination des plus purs parfums de l’amour…

— C’est infâme ! Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ? Je me retournai, rouge et tremblant comme un coupable… — Madame, balbutiai-je, je ne fais rien de mal… Vous l’apprendrez vous-même de votre enfant, lorsque ce sommeil qui a suivi son malaise l’aura soulagée…

— Quel malaise ? dit-elle en baissant la voix. Qu’avez-vous à faire ici ? je ne suis pas sa mère…

— Si vous n’êtes pas sa mère, quel droit avez-vous de vous courroucer ainsi, à propos des soins que je donne à une enfant que le hasard a remise à ma garde ?…