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moi mon prochain mariage, et ce fut pour elle une occasion de me faire une commande qui mit mon ménage à flot pour longtemps. La protection de cette jeune dame me fut aussi utile qu’elle fut constante. Liée avec les plus illustres familles de son pays, elle m’adressait souvent ceux de ses compatriotes que nos sites attirent chaque année, et rarement sa recommandation était stérile. La visite de ces étrangers me donnait un relief qui m’amenait d’autres visiteurs, d’autres commandes ; et, au bout de peu d’années, j’acquis ainsi une aisance qui comblait mon ambition, tout en dépassant les espérances du géomètre. — Beau-père, lui disais-je quelquefois, l’état est bon, c’est votre proverbe qui ne vaut rien.




L’on peut se rappeler que Lucy m’avait dit un jour, les larmes aux yeux : « En quelque temps, monsieur Jules, que vous ayez un malheur semblable au mien, je vous prie de m’en instruire. » Ce malheur arriva environ deux ans après mon mariage ; et, lorsque j’eus rendu les derniers devoirs à mon oncle, j’écrivis à cette jeune dame la lettre suivante :


« Madame,

« Me souvenant de la demande que vous me fîtes il y a deux ans, je viens vous annoncer la mort de mon oncle. C’est sans doute une consolation que votre bonté me ménageait à l’avance ; car, si vous voulûtes bien attacher quelque prix à me rencontrer après la mort de monsieur votre père, jugez, madame, quelle douceur c’est pour moi que d’être certain de trouver