Un matin, je songeais à ces choses, accoudé sur ma fenêtre, et regardant machinalement le vieux régent qui arrosait les tulipes de son petit jardin, lorsque Henriette parut tout à coup à la sienne.
Elle ne me cherchait pas, comme je pus le reconnaître à la vive rougeur qui colora subitement ses joues. Toutefois, à moins de laisser voir que ma présence lui causait plus d’impression qu’il ne convenait à sa fierté de l’avouer, elle ne pouvait se retirer subitement. Elle demeura donc ; seulement, pour dissimuler son embarras, elle regardait en face d’elle les nuages flotter dans les airs.
L’occasion était unique d’entrer enfin en conversation avec celle dont je me proposais de faire ma femme. Aussi, faisant un effort extrême pour surmonter une vive émotion :
— Ces tulipes… dis-je au régent…
À peine avais-je prononcé ces deux mots que Henriette retira sa tête, avant que le régent eût levé la sienne, et l’entretien demeura là.
— Ah ! ah ! vous me regardiez faire ? dit le régent. Malin ! je devine votre pensée.
Passe encor de bâtir, mais planter à cet âge !
D’abord ce sont, jeune homme, des tulipes ;
Eh quoi ! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Tenez, celle bariolée-ci, qui vaudrait vingt ducats en Hollande, je la destine à mon épouse :
Purpureos spargam flores…