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que fait mon oncle Tom. Quand il se lève, la vis crie ; quand il va prendre un livre, l’échelle roule ; quand il s’est distrait d’une prise de tabac, la tabatière frappe la table.

Ces trois bruits se suivent d’ordinaire, et j’y suis tellement habitué, qu’ils me détournent peu de mes travaux. Mais un jour…




Un jour la vis crie, l’échelle ne roule pas, j’attends la tabatière..... Rien. Je fus réveillé de ma flânerie, comme un meunier de son somme quand la roue de son moulin vient à se taire. J’écoute : mon oncle Tom cause, mon oncle Tom rit… Une autre voix… « C’est bien cela, » me dis-je très-ému.




C’est qu’il faut savoir que, depuis que je travaillais à la fenêtre, je n’étais point resté dans les généralités. Je m’étais, depuis quelques jours, occupé tout particulièrement d’un objet qui avait atténué l’intérêt que je portais aux autres. Et voici les symptômes qui ont signalé ce changement dans la direction de mes travaux.

Dès le matin, j’attends ; dès deux heures, le cœur me bat ; quand elle a passé, ma journée est finie.

Avant, je n’avais jamais songé que je fusse seul ; d’ailleurs, n’étions-nous pas moi et mon oncle, et le ruisseau, et les hirondelles, et tout le monde ? Aujourd’hui je me trouve seul, tout seul, excepté vers trois heures, que tout reprend vie autour et au dedans de moi.

Je vous ai dit comment auparavant coulaient mes douces heures. Aujourd’hui je ne sais plus ni m’occuper, ni être oisif, ni flâner, ce qui est fort différent.