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riture du corps, j’avais le pain de l’âme… mais je n’ai point de Bible !

— Quoi ! interrompis-je, on vous refuserait une Bible ?

— On refuse tout à celui que l’on croit méprisable.

— Il faut que vous ayez une Bible ! je veux que vous en ayez une ! j’irai plutôt vous porter la mienne !!!

— Bon jeune homme, dit-il avec un accent de reconnaissance, pénétrer jusqu’à moi ? impossible. D’ailleurs je n’y consentirais pas. L’aspect de cette affreuse demeure ne doit pas contrister vos regards… Vous dirai-je toutefois ce qui me porte à m’adresser à vous ? Hier, quand je vis une corde remonter ces gâteaux jusqu’à vous… que n’y a-t-il, pensais-je avec envie, une âme compatissante qui, pareillement, fasse remonter le pain de vie jusqu’au pauvre prisonnier !

À ce trait de lumière : — Avez-vous une corde ? — La Providence, reprit-il, a permis que j’en pusse avoir une, que je réservais pour cet unique usage… — Vous aurez une Bible ! m’écriai-je en l’interrompant, vous l’aurez !!!

Et, tout joyeux de l’idée d’être si véritablement utile à cet infortuné, je cherchai avec empressement ma Bible parmi mes livres que, la veille, j’avais entassés dans l’armoire.




Pendant que je cherchais ainsi, il me sembla entendre, du côté de la prison, comme un murmure étouffé. Ayant prêté l’oreille : — Est-ce vous ? dis-je au prisonnier. Il ne répondit rien, mais le murmure continuait de se faire entendre plus distinct et plus plaintif. — Qu’est-ce ? qu’avez-vous ! lui criai-je alors d’un accent ému et pressant.