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Hélas ! les chaleurs d’hier étaient fraîcheurs en comparaison des canicules qui nous attendent sur les rocs de Chevron ! Ce sont des pierres pelées, sans un brin d’herbe, sans un bout de grotte, et qui répercutent par toutes leurs facettes jusqu’aux moindres rayons d’un soleil furieux. De là le regard plonge sur la vallée verdoyante où courent les flots de l’Isère ; mais quoi ! ce spectacle, au lieu de nous réjouir, ne fait que renouveler pour nous le supplice de Tantale. Beaux ombrages, pourquoi nous êtes-vous ravis ? Fraîches eaux, pourquoi fuyez-vous ?

Pendant que, haletants et trempés de sueur, nous gravissons la brûlante chaussée, un naturel se présente : « D’où donc venez-vous ? lui disons-nous. — D’en dessus. — Où allez-vous ? — Je vas au tabac… Mais, dites, vous autres, passez-vous rien par Vezouille ? — Vezouille ? Tout de même. — Eh bien, dites voir en passant le bonsoir à mon petit, qui ramone par là depuis tantôt deux ans sans nouvelles. — Mais où est-il, votre Vezouille ? — Attendez voir, c’est dans ce pays où l’on dit comme ça : Monsieur le marquis, voulez-vous des caudes ? C’est là. Vous voulez assez trouver ! — On tâchera. — S’il vous plaît ; ça me ferait tant de contentement, car depuis deux ans qu’il ramone là sans nouvelles ! »