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nous quittons sa boutique, décidés à affronter les cataractes, et en un clin d’œil nous voilà trempés jusqu’aux os et par delà. Il faut voir alors les formes que prennent les chapeaux de paille de la troupe ! Les uns s’affaissent débilement, les autres battent de l’aile ou s’allongent en pain de sucre, tous pleurant des larmes de gomme, qui collent la blouse à la chemise et la chemise au corps. C’est pitoyable en vérité. En revanche, les casquettes s’imbibent et les feutres tiennent bon. Pour voyager à pied, un chapeau de feutre blanc à larges ailes est le plus protecteur de tous les couvre-chef.

À quelque distance, et pour abréger, M. Töpffer avise une spéculation admirable, dit-il. Chacun de s’y engager à sa suite. Par malheur, cette spéculation-là aboutit à un pâturage, qui aboutit à un marécage, qui aboutit à une rivière, qui aboutit quelque part… et personne auprès de qui se renseigner ! Bolesco se dévoue alors pour chercher un naturel qui puisse nous tirer de là, et apercevant une habitation sur un coteau voisin, il y court. Dans la maison, personne, et pourtant une voix, mais qui paraît sortir d’une localité où d’ordinaire on ne va pas inquiéter les gens. Le bonhomme, sans se déranger, explique comme quoi nous sommes sur le pré de Jean-Pierre, qui mène à celui de Jean-Paul, et que de pré en pré nous tendons à la rivière. C’est ce que nous savons parbleu bien ! Force nous est donc de recourir à l’adage : Aide-toi et le ciel t’aidera ; et remontant le marécage, nous finissons par retrouver la route, où l’arrière-garde, qui passe dans ce moment, ne nous épargne pas les félicitations.

Ce bout de pays est d’ailleurs verdoyant, bien boisé, et il aboutit à