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fourche les chevaux et partage avec eux les grands coups de fouet au moyen desquels on les décide à gagner au travers des bouillons la rive opposée.

À Sisteron, l’hôte, à qui nous avons été annoncés par le commis tailleur, vient au-devant de nous. C’est un vieillard gai, vif, bon enfant et farceur au non plus : « Accourez, accourez, braves gens, nous crie-t-il de tout loin, c’est ici le déluge qui commence, et vous allez rester huit jours dans mon arche, où il y a une paire de chaque espèce de bon gibier !… » Nous entrons, la table est servie, le déjeuner tout prêt ; c’est l’hôte qui nous sert. « Entendez-vous comme elle tombe ! Bravo, je vous tiens ! Commençons par ce lièvre ; tâtez-moi ces perdrix, et vive le déluge ! nous allons rire et nocer… » Mais après une puissante averse, le soleil reparaît : « Allons, s’écrie-t-il, je suis enfoncé. C’est égal, prenez mon nom, et recommandez-vous de moi, vous serez bien reçus partout. »

Mais que vois-je là-bas sur la route, et serions-nous en Palestine tout de bon ?… Un grand dromadaire et cinq ânons ! L’on marche, l’on approche ; c’est une ménagerie ambulante. Le dromadaire porte des singes habillés, les ânons sont chargés de bêtes en caisse, et tout cela se rend à Sisteron pour y embellir la foire du lendemain. Nous nous faisons donner au beau milieu du grand chemin une représentation complète. « Vous voyez,