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s’appelle une sous-préfecture. Pour la vie, le mouvement et la magnificence, notre Thonon est auprès une Babylone. Avec cela, une population de bonnes gens, industrieux, aisés, et qui ont l’air contents d’être au monde. Pourquoi pas ? Ils ont leurs pierres, leur beau soleil, des moutons à revendre, et, relégués dans ce coin de royaume loin des spectacles et des exemples qui excitent l’envie et qui attisent l’ambition, ils y vivent de leur petite vie de canton, tranquilles, occupés et bien chez eux. On serait heureux à moins.

Nous allons descendre chez M. Lyons, qui tient le premier hôtel de l’endroit, avec enseigne à la muraille et fumier devant le seuil. M. Lyons est absent ; on va le chercher parmi les pierrailles des environs.

Retrouvé enfin, M. Lyons accourt pour déclarer qu’il n’a pas une côtelette à nous offrir, mais qu’il va faire un tour de pays pour ramasser des vivres. Sur ce, M. Lyons repart, et madame Lyons et les demoiselles Lyons, deux fort jolies personnes, coiffées en cheveux, sveltes, propres et basanées. Pendant leur absence, un ami de l’hôtel nous entretient qui se trouve être l’inspecteur des eaux et forêts ! Ohé ! embrouillaz-miz ! Inspecteur des pierres, passe encore, mais des eaux, mais des forêts, dans le pays le plus chauve et le plus desséché de la création !

Au bout d’une demi-heure environ, la famille Lyons reparaît chargée de lièvres, de pigeons, de gibier de toute sorte, et au même instant un homme vient à passer qui offre à vendre du poisson de mer. « Pour le coup, messieurs, s’écrie le père Lyons, vous aurez une soupe au poisson ; un peu de patience, et vous verrez ! » Qu’on juge de l’épanouissement d’espoir, d’attente, de félicité avec lequel nous voyons ces victuailles et nous écou-