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Cependant nous atteignons un canton boisé, et au sortir de la nuit des forêts, voici en vue le logis du Pin. Ohé ! c’est un donjon plus solitaire encore, plus abandonné que celui de mademoiselle Marie ; une vraie caverne de voleurs, pour peu que ce ne soit pas un nid perdu d’hommes très-vertueux. Entré le premier, M. Töpffer n’y trouve qu’une vieille montagnarde aux joues hâlées, au timbre mâle, qui lui tient un long discours en azis-miz absolument inintelligible, mais très-comiquement entrelardé de ce propos familier : Soyez tranquille, mon ami. Avant d’être tranquille, M. Töpffer parcourt le donjon et inventorie les ressources.

C’est d’abord un fruitier et une salle haute, le tout sans portillons ni fenêtres. « Faraz bien froidaz, madamaz. — Soyez tranquille, mon ami. »

C’est ensuite une salle basse où figurent une table longue portée par des jambes en croix, des bancs chancelants, une sainte collée à la muraille, et, tout à côté, Bernadotte qui semble vouloir, d’un coup de sabre, la fendre en quatre. Des peaux de lapin suspendues au plafond oscillent à l’envi après avoir décoiffé au passage. À chaque casquette qui tombe : Soyez tranquille, mon ami.

Du reste, en fait de vivres, on découvre une soupe qui est en train de cuire, des raisins appendus au plafond du fruitier, quelques tranches de mouton salé, une volaille froide et de la salazdazes. « Va bien, maz, des pomiz dis terras, madamaz ? — Soyez tranquille, mon ami… Embrouillaz-miz pas. »

Pendant que nous mettons la table, la vieille fait diligence, et bientôt tout est prêt. La soupe est délicieuse, le mouton immangeable, la salazdazes au pur quinquet, et de pommes de terre, point. Mais vienne la volaille !… Dans ce moment le matou du Pin s’en régale. Soyez tranquille, mon ami, les matous ne s’embrouillaz-miz pas.