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s’arrêtent, ils jouent, ils se caressent, et l’un d’eux abat pour l’autre pommes, poires, tout ce qui se rencontre. « Bonne bête, balbutie-t-il à M. Töpffer, elle a plus d’esprit que moi ! — C’est vrai ; mais vous la nourrissez de fruits qui ne vous appartiennent pas ? » Alors l’autre cueillant un épi de maïs : « Voyez donc comme elle répond. Hé ! Jeanne !… Vous voyez bien. Hé ! Jeanne !… » Et un autre épi sur le premier. « Hé ! Jeanne !… » Et un troisième. « Elle doit vous coûter peu, votre vache, si vous la nourrissez comme cela ! — Tenez, du plus loin, je la fais venir. Hé ! Jeanne !… » Pour le coup, M. Töpffer s’éloigne, afin de ne pas devenir complice, par sa présence au moins, des déprédations de cet amateur.

À Aiguebelle, nous déjeunons dans une auberge qui a ceci de remarquable que l’hôtesse, toute petite femme, porte un bonnet immense, solennel, rayonnant : on dirait Vichnou dans sa pagode. Cette pagode nous sert plat sur plat ; mais Gail les avale tous, et notre situation au milieu de cet affamé-là devient de plus en plus critique. Aussi, comme à Faverge, plusieurs s’en vont à la recherche du confiseur ; mais celui-ci, en fait de brioches, n’a que du jus de réglisse en bâtons. C’est égal, Oudi s’en achète un fagot, et à partir de ce jour il voyagera enréglissé de la tête aux pieds, tantôt noir, tantôt mulâtre, tantôt pie, et toujours orateur aussi polyglotte qu’incompris.

Au delà d’Aiguebelle, et comme M. Töpffer est à marcher solitaire dans la campagne déserte, deux hommes armés et de détestable mine sortent tout à coup d’un fourré et s’avancent droit sur lui… Ce sont, à