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qu’une collation soit servie, que des bouteilles circulent, hélas ! la gaieté est là bien vite, et ceux qui s’oublient à une noce s’oublient aux mêmes conditions à un enterrement. Voici qu’en se levant de table Pierre chancelle, Jacques festonne, et c’est en devisant gaillardement que l’on regagne le hameau pour y reprendre demain la bêche, ce qui paraît toujours au laboureur bien plus triste encore que de boire un coup. Passez donc, braves gens, et que je n’aille pas me scandaliser de cette philosophique tranquillité avec laquelle vous enterrez vos morts, puisqu’elle est un des allégements bien légitimes de votre condition plus dure que la nôtre. Seulement, à la prochaine, buvez moins, Jacques, et vous, Pierre, si vous ne pleurez pas votre parent, du moins évitez de l’outrager en vous enivrant sur sa tombe.

Des torrents de pluie nous accompagnent jusqu’à Meyringen, où, à peine descendus à l’hôtel du Sauvage, chacun change de vêtements des pieds à la tête, un grand feu s’allume, une sécherie s’organise, et il ne reste plus, outre l’attente d’un bon souper, qu’à jouir d’un bien-être délicieux. Ah ! là où le gîte est bon, et, oui, là encore où le gîte est mauvais, à la condition seulement qu’il s’y trouve un grand foyer clair, vivent les