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quelques questions s’échangent, et M. Töpffer finit par offrir à chacun, à chacune aussi, une prise de tabac. Jusqu’aux fillettes, pour ne pas bouder l’aubaine, acceptent leur ration et éternuent à l’envi, tandis que les vieillards, accoutumés à une poudre d’autre sorte, savourent l’arôme, font durer la prise, et d’un nez économe en aspirent les derniers grains soigneusement rassemblés sur la paume de leur poignet. Partis des hauteurs avant l’aube, ils se rendent à Stalden pour y assister au Schauspiel, et la chose, toute simple pourtant, nous paraît néanmoins d’une nouveauté charmante. Pour ceux d’entre nous qui ont lu Don Quichotte, il s’y rencontre je ne sais quoi de Gamache, et ils se flattent d’avoir attrapé dans la réalité elle-même quelqu’une de ces situations de fortuite aventure, de fête imprévue, qui font naître tant de poétiques désirs, tant de regrets de ce que le monde n’en offre plus de semblables, lorsqu’on lit le poëme de Cervantès. Une heure après avoir quitté ces gens, nous arrivons à Saint-Nicolas. C’est un petit hameau qui jouit d’un clocher grêle surmonté d’une lourde coupole : on dirait, dans le jardin des Hespérides, un fétu de pommier nain qui roidit sa tige crainte que sa pomme d’or ne l’écrase. À Saint-Nicolas, Mouton se régale d’un picotin, nous d’un verre de blauk, et après que nous y avons commandé pour le lendemain une soupe et des grabats, nous continuons notre route.

Au delà de Saint-Nicolas, la vallée, toujours solitaire, s’élargit et se