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nous venons de prendre à propos d’un pauvre sentier, il est de fait qu’un chemin montant, oblique, ardu, forme une sorte de site rapproché tout particulièrement riche en profils variés d’accidents, divers de caractère, et surtout merveilleusement saisissable aux procédés du croqueur. Escarpements, degrés, dalles irrégulières, cailloux épars, touffes buissonneuses, contours ici roides, là onduleux, tout s’y rencontre de ce qui tente, de ce qui séduit, de ce qui pousse invinciblement l’amateur pas bien habile, mais du moins épris, à ouvrir son livret et à tailler son crayon. Pendant qu’il est à l’œuvre, un manant passe dont il anime sa scène ; puis, au moyen de quelques linéaments qui expriment les rampes éloignées, la fuite des forêts, une cime vaporeuse, le voilà qui tient son affaire. Cependant les moments ont coulé tout rapides d’attrait et d’amusement, et l’extrême simplicité d’un plaisir si vif, cette simplicité même qui aux yeux de plusieurs peut le faire sembler puéril, bien loin d’en diminuer pour lui le charme, le rehausse au contraire à ses yeux. Car combien y a-t-il de plaisirs qui se passent du paraître, qui se goûtent sans apprêt, qui se cueillent à tout bout de chemin, et n’est-il pas en tout temps de l’homme sensé d’accueillir, de priser la jouissance en raison même de ce qu’elle est à la fois innocente et pleine ?

À une heure de Stalden nous croisons une longue file de pèlerins. Comme la chaussée est étroite, ces gens s’arrêtent pour nous laisser passer, puis