roseaux, ce sentier, qui, envisagés comme objets à regarder, sont ou laids ou dépourvus de beauté, envisagés au contraire comme signes de pensées, comme emblèmes des choses de la nature ou de l’homme, comme expression d’un sens plus étendu et plus élevé qu’eux-mêmes, ont réellement ou peuvent avoir en effet tout l’avantage sur des chênes qui ne seraient que beaux, que touffus, que splendides. Que si d’ailleurs cette expression des lieux est purement humaine, comme il arrive dans ces cantons envahis par une culture d’industrie ou de luxe, ou dans ces localités sillonnées de constructions, de murailles et d’usines, il n’y a plus de paysage dans le sens artistique du mot, parce que dans ce champ à la fois exclusif, circonscrit et familier, le sentiment et la pensée ne trouvent ni d’espace, ni de jeu, ni d’exercice. Que si au contraire cette expression des lieux est purement naturelle, comme il arrive sur les sommités glacées des Alpes, dans les mers polaires, dans les contrées inhabitées et inhabitables, pareillement il n’y a plus de paysage, parce que les apparences de cette nature sont des faits et non plus des signes ; en telle sorte que si le regard, si la curiosité elle-même s’y appliquent, ni la pensée, ni le sentiment ne reçoivent l’éveil d’objets qui n’ont de relation qu’avec eux-mêmes. De là vient que le vrai paysage, le paysage artistique, se rencontre là seulement où s’entremêlent, où se confondent, où se heurtent ces deux sortes d’expression, l’humaine et la naturelle, et aussi bien dans les plaines brumeuses de la Flandre que sur les montueux rivages du lac Albano. De là vient que les ruines, le délabrement, la vétusté, tout ce qui signale à la fois le cours du temps, la patiente opiniâtreté de la nature, l’incessant combat de l’homme, en ajoutant à la richesse d’expression, ajoute à la saveur du paysage et en accroît la poésie. De là vient que, même alors que le thème d’un paysage est heureux, plus l’exécution en est strictement imitative, plus il y a d’exactitude réelle et de vérité servile, moins aussi il a d’expression poétique : car, si, d’une part, comme imitation, cette copie est infiniment au-dessous du modèle dont elle n’a ni l’ampleur, ni la vie, ni l’expressive et changeante physionomie ; d’autre part, comme poëme, elle est nécessairement froide, muette, morte ; et si tout s’y rencontre à la vérité de ce qui frappe les yeux, rien ne s’y découvre, ne s’y devine, ne s’y pénètre de ce qui attache l’âme ; chaque touche, au lieu d’y être un éveil de pensée, de sentiment, ou d’impression, n’y est plus qu’un rappel pur et simple de l’objet. De là vient enfin que les Flamands sont les premiers paysagistes du monde, précisément en ceci que leur faire, qui est bien loin d’être tout vérité, est en revanche tout expression, plus fin, plus
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