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garçon qui porte en croupe sa fiancée. La jeune fille, pour se maintenir sur l’arrière du bât, enserre de l’un de ses bras la personne de son futur époux ; et celui-ci, maître qu’il est de la bête, tantôt la laisse se prélasser le long du précipice, plus souvent l’approche des gaules épineuses, afin que, rétive et mutine, elle se cabre ou refuse d’avancer. On le gronde alors, mais on l’enserre plus étroitement, et lui, tout en promettant d’être plus sage, continue de raser les gaules et d’approcher des épines.

Tout à l’heure nous débouchons sur la vallée du Rhône, et voilà que nous retrouvons sur notre gauche ce sentier de la Forclaz que nous gravîmes il y a huit jours. C’est donc ici que nous nouons les deux bouts, et que notre tour du mont Blanc se trouve terminé. Auprès des solitudes d’où nous sortons, cette contrée est bien peuplée, bien riante et Martigny-le-Bourg nous semble s’élever là comme un petit Bagdad tout animé de foule, tout élégant de minarets et de civilisation. Au moment où nous le traversons à la course pour tâcher de devancer la tempête qui accourt du fond des gorges de la Drance, des gens émus s’y agenouillent de toutes parts le long des rues, et une cloche y bat un glas funèbre. On nous dit qu’une jeune fille va expirer à qui l’on administre le Saint-Sacrement. Le soir, aux feux de l’éclair et sous la tiède haleine d’un vent orageux qui ploie