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nous sommes d’entreprendre ici une spéculation, nous l’attendons pour lui adresser quelques questions sur la route : « Je ne la sais pas mieux que vous, nous répondit-il ; mais, en montagne, il n’y en pas deux, c’est où le chemin passe. » Au sens et au tour de cette réplique, M. Töpffer s’approche, et pour continuer l’entretien : « Ces montagnes, reprend-il, sont bien pauvres, cependant ne pensez-vous pas que les gens sont heureux ici autant qu’ailleurs ? — Pourquoi non ? En ce qui est du contentement de vivre, le bon Dieu n’a pas deux mesures, une pour la plaine, une pour les hauteurs. » ; Puis s’arrêtant : « Tel que vous me voyez, je suis Tobie Morel, d’en dessus de Romont. En l’an de misère, l’an seize, j’allai trente lieues plus bas que Paris pour y recueillir la succession de mon aîné, d’où je revins en donnant le tour par les campagnes et par les villes. En ai-je vu là du nouveau, et puis du nouveau !… Eh bien ! rien ne vaut le natal pour y vivre, et encore mieux pour y finir !… Et tenez, ajoute-t-il, quand, d’aisé que j’étais, cette succession m’eut fait riche, je pouvais m’aller élargir à Fribourg, à Paris, quoi ?… Mais, on n’emporte pas son natal, m’ai-je dit, et j’y suis resté.

— Et avez-vous des enfants ? — Une fille, sans plus. À raison de mon bien, beaucoup la poursuivent, et elle en est à ne savoir trop auquel elle se veut donner. Moi je lui dis : Choisis bien, mon enfant. Moyennant