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table, le pekoe célibataire, frais, blondin, rebondi et cinquante ans. Plus continental que l’autre, il procède avec moins de solennité aux apprêts de l’infusion, sans pour cela y apporter moins de minutieuse habileté. Le pekoe célibataire voyage uniquement pour faire digestion, pour fumer en paix, pour se trouver encore plus célibataire qu’à Londres, où sa sœur lui est une chaîne et sa parenté un joug. Mais après qu’il n’a pas parlé de tout le jour, et pourvu que cela ne l’engage ni à dire quatre mots de plus, ni à recommencer plus tard, ni à écouter personne, il ne demande pas mieux, le soir, que d’adresser différentes communications au premier qui se présente, étudiant ou ambassadeur, pédagogue ou commis toilier. Après quoi il prend son chapeau, et on ne le revoit pas.

Plus loin, c’est une société de touristes muets. Ils respirent, ils boivent, ils mangent, mais comme on fait aux funérailles d’un cousin au huitième degré : sans être affligés, sans être gais, sans être solennels non plus. Le seul d’entre eux qui prenne la parole est évidemment un Allemand, car sa conversation roule exclusivement sur les siquesaques (les zigzags) du Stelvio, comparés aux siquesaques du Simplon, et aux siquesaques du Saint-Gothard. Au surplus, on rencontre souvent de ces gens qui, sans être Allemands, d’une belle dame n’ont remarqué que sa dentelle, d’une magnifique cathédrale que ses gouttières.