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sans plus. Il faut ou rire ou se fâcher : nous prenons le premier parti, quitte à montrer nos dents longues quand viendra l’heure de payer la carte.

Oisifs que nous sommes à cette table sans mets, nous profitons des instants pour bien observer le touriste pekoe. Le touriste pekoe, toujours Anglais, fait table à part avec ses ladies. Rasé de frais, parachevé de toilette, et dédaigneux de tout, excepté de sa provision particulière de thé superfin, il se partage avec une gravité égale entre le rituel de l’infusion et la lecture du Galignani, entre les minutieuses pratiques qu’exige l’intacte conservation de l’arôme et les victoires de la Chine ou les désastres de l’Afghanistan. Cependant les ladies promènent nonchalamment leurs beaux yeux bleus sur les continentaux qui entrent, qui soupent, ou qui sortent, jusqu’à ce que, le travail de l’infusion étant terminé, elles s’administrent nonchalamment aussi tasse sur tasse et tartine sur tartine. Le tout est extrêmement solennel, et vingt-six tables pekoe font certainement moins de bruit et de discours qu’un Français seulement et madame son épouse prenant un bouillon gras sur l’angle d’une nappe.