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connaît à fond cette pratique, et, chose honteuse à dire, sans cesse, en voyage, on l’a vu préférer aux glorieuses palmes du dévouement agile les délices calculées de ce sybaritisme de traînard.

En approchant de Trient, nous apercevons une longue figure d’homme noir qui va et vient lentement sur l’aride plate-forme d’un rocher attenant à l’église. C’est le curé du lieu, un bon vieillard en soutane trouée, qui s’édifie dans un bréviaire crasseux. Que de degrés dans une même condition ! et quelle distance n’y a-t-il pas encore de ces deux curés de Cedruns, dont, l’an passé, nous troublâmes la partie de dames, à ce pauvre prêtre claquemuré entre des rocs stériles et une muraille de glaciers ! Et, toutefois, peut-être que, lui aussi, quand il porte envie à la condition des opulents touristes qui passent devant sa hutte, il dédaigne à tort sa destinée, et souhaite d’échanger des biens trompeurs contre une saine pauvreté.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à Trient, comme dans presque tous les endroits de vaches et de pâturages, le beurre est fort et le lait rare. Sorbières demande du kirsch-wasser, on lui apporte de l’eau de cerises. C’est du kirsch-muss qu’il voulait dire, cette confiture des montagnes à cerisiers. Mais ici, à peine quelques mélèzes et trois ou quatre pommes de terre frileuses qui se hâtent de croître dans le jardin du curé. Il faut donc nous contenter de ce miel blanc que font les abeilles avec le suc embaumé des fleurs alpines, et auquel la renommée a donné le nom générique de miel de Chamouny. Malgré les imperfections de ce repas, personne ne désavoue l’inestimable prix d’une ou quatre tasses de café au lait, après une marche matinale de trois heures, et, sur la proposition de M. Töpffer, l’assemblée