Page:Tolstoi et les Doukhobors.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

familles de chaque village, ensuite dix à quelques jours d’intervalle. Après l’ordre d’expulsion, on donna aux Doukhobors un délai de trois jours, pendant lesquels il fallut faire les malles, vendre les biens, et se préparer à la route. On vendait pour rien : ce qui valait cinquante roubles fut cédé à cinq, on jetait ce qu’on ne pouvait vendre, ce fut ainsi la ruine complète. On dut laisser beaucoup de bétail et du blé qu’on n’eut pas le temps de récolter. Quatre cent soixante-quatre familles furent ainsi chassées du district d’Akalkalaki, et dispersées dans quatre districts de la province de Tiflis, dans les villages des Grouzines, deux, trois, cinq familles dans chaque village, sans un morceau de terre, et avec la défense de s’aider entre elles. Les Doukhobors vendirent peu à peu tous leurs biens et travaillèrent pour les Grouzines, gratuitement pour les pauvres, à des prix modiques pour les riches, et malgré leur ruine, ils aidèrent quand même aux plus pauvres.

J’ai vu beaucoup de ces hommes grands, robustes et doux, en les regardant et en les écoutant, je me suis rappelé involontairement les théories sociales si compliquées, les nombreux volumes d’Économie politique, les