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ou à l’Église est si bruyant, si solennel, si indiscret, accapare si bien tous nos sentiments extérieurs, et opprime si fort notre personnalité, qu’il nous est trop difficile d’admettre la raison de nos doutes intérieurs, à peine entendus et timides, quand ils sont contraires aux exigences de l’État et à la doctrine de l’Église.

Tel est l’état d’âme des hommes qui ne se sont pas encore délivrés de la superstition de l’Église et de l’État et qui, au nom de cette superstition, sont prêts à commettre tranquillement, par principe, des injustices, des cruautés, des lâchetés dont l’idée seule, indépendamment de l’État et de l’Église, leur inspirerait le dégoût et l’horreur.

Dans l’intérêt de l’État et de l’Église, ils tourmentent par la famine, par le froid et par les privations de toutes sortes, des hommes qui ne veulent tuer personne et qui pour cela refusent de servir ; ils tourmentent leurs femmes, leurs sœurs, leurs enfants, leurs vieillards, en déportant les uns dans les pays les plus lointains, en plaçant les autres dans de telles conditions que tous tombent malades et meurent. En même temps, ils cachent soigneusement tout cela des autres hommes, tâchent de fermer la bouche à qui-