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V. — L’amour est un sentiment naturel à l’homme.

1. L’homme aime aussi naturellement que l’eau descend la pente. Proverbe oriental.

2. Pour que l’abeille vive selon sa nature, elle doit voler, le serpent ramper, le poisson nager, l’homme aimer. Par conséquent, si l’homme fait du mal à son prochain au lieu de lui faire du bien, cela paraît aussi étrange que si le poisson se mettait à voler et l’oiseau à nager.

3. Le cheval, par sa course rapide, fuit l’ennemi. Il est malheureux non pas lorsqu’il ne peut pas crier comme un coq, mais lorsqu’il perd ce qui lui est acquis : la faculté de courir. Le sens le plus précieux pour le chien est son flair. Il est malheureux lorsqu’il le perd, et non lorsqu’il voit qu’il ne peut pas voler. De même l’homme est malheureux, non quand il est impuissant à maîtriser un ours, un lion, ou de mauvaises gens, mais quand il perd ce qu’il a de plus cher : sa nature spirituelle, sa faculté d’aimer. On n’a pas à regretter quand on meurt, quand on a perdu son argent, sa propriété, sa maison—tout cela n’appartient pas à l’homme. On doit regretter quand l’homme perd son bien réel, son plus grand bonheur : la faculté d’aimer.