corps n’est qu’une libération, et les souffrances sont les conditions inévitables de cette libération. Mais quelle est la situation de celui qui croit que toute sa vie est dans son corps, lorsqu’il voit que la seule chose dont il vit— son corps—se détruit et qu’il doit, de plus, endurer des souffrances ?
5. L’animal meurt sans s’apercevoir de la mort et presque sans la craindre. Pourquoi donc l’homme doit-il voir la fin qui le guette, et pourquoi lui semble-t-elle si affreuse, au point qu’elle le force parfois à mettre fin à ses jours ? Je ne sais pourquoi cela est ainsi ; mais je sais dans quel but : pour que l’homme conscient et raisonnable transforme sa vie charnelle en vie spirituelle. Cette transformation abolit non seulement la crainte de la mort, mais encore elle donne à l’attente de la mort une sensation analogue à celle qu’éprouve le voyageur à l’approche de sa maison.
6. La vie n’a rien de commun avec la mort. C’est probablement pour cela que s’éveille en nous l’espoir inepte qui obscurcit la raison et nous fait douter de l’exactitude de notre connaissance quant au caractère inévitable de la mort. La vie corporelle tend à s’obstiner dans l’existence. Elle répète toujours, comme le perroquet dans la fable, même au moment où on l’étrangle : « Ce n’est rien, ça. » AMIEL.
7. Le corps est le mur qui limite l’esprit et qui l’empêche d’être libre. L’esprit tend sans cesse à écarter ces murs, et toute la vie d’un homme de raison se passe à ce travail