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16. Il existe un conte arabe que voici : En traversant le désert, Moïse entendit un pâtre prier Dieu : « O Seigneur ! disait-il, comment faire pour Te rencontrer et devenir Ton esclave ! Avec quelle joie je Te chausserai, je laverai, je baiserai Tes pieds, je peignerai Tes cheveux, je laverai Tes vêtements, j’arrangerai Ta demeure et je T’apporterai le lait de mon troupeau ! Mon cœur Te désire ! » Moïse, entendant ces paroles, se fâcha contre le pâtre et dit : « Tu blasphèmes. Dieu n’a pas de corps. Il n’a besoin ni de vêtements, ni de demeure, ni de serviteur. Tu dis des sottises. » Le pâtre en fut attristé. Il ne pouvait se représenter Dieu sans corps et sans besoins matériels ; il ne pouvait plus prier et servir Dieu, et il tomba dans le désespoir. Alors Dieu dit à Moïse : « Pourquoi as-tu éloigné de Moi Mon fidèle esclave ? Chaque homme a ses pensées et ses termes. Ce qui est mal pour l’un est bien pour l’autre ; ce qui est poison pour toi est miel pour un autre. Les paroles ne signifient rien. Je vois le cœur de celui qui s’adresse à Moi. »

17. Si l’homme ne sait pas qu’il respire l’air, il sait, lorsqu’il étouffe qu’il lui manque quelque chose sans quoi il ne peut vivre. Il en est de même de celui qui perd Dieu, bien qu’il ne sache pas ce qui le fait souffrir.

II — Tout homme doué de raison est forcé de reconnaître Dieu.

1. Nous voyons aux cieux et dans chaque homme ce que nous appelons Dieu.