Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/230

Cette page n’a pas encore été corrigée

scientifiques sont tout aussi nuisibles que les mensonges confessionnels. Les hommes errent, vivent mal. Logiquement, ayant compris qu’ils vivent mal, ils devraient s’employer à modifier leur genre de vie afin d’améliorer leur situation. Au lieu de cela, apparaissent toutes sortes de sciences : financière, théologique, pénale, policière, l’économie politique, l’histoire, et la plus à la mode : la sociologie, indiquant les lois de la vie sociale et suivant lesquelles la vie mauvaise ne provient pas des hommes, mais des lois mauvaises que les savants ont découvertes et formulées. Ce mensonge est tellement déraisonnable et contraire à la conscience, que les hommes ne l’auraient jamais accepté, si la conscience n’avait pas encouragé leurs faiblesses.

4. Nous avons organisé notre vie contrairement à la nature morale et physique de l’homme, et nous sommes persuadés, —uniquement parce que tout le monde le pense—que c’est là précisément la vraie vie. Nous sentons vaguement que tout ce que nous appelons notre organisation sociale, notre religion, notre culture, nos sciences et nos arts, que tout cela n’est pas ce qu’il faudrait, parce que cela ne nous débarrasse pas de nos misères, mais ne fait que les accroître. Cependant, nous ne nous décidons pas à soumettre tout cela au contrôle de la raison parce que nous pensons que l’humanité, qui a toujours reconnu la nécessité du régime social de contrainte, de religion et de science qu’il a pour base, ne peut pas vivre en dehors de lui. Si un poussin dans sa coquille avait été doué de la raison d’un homme et savait tout aussi peu en profiter que les gens de notre époque, il n’aurait jamais brisé la coquille de son ouf et n’aurait jamais connu la vie.