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IV. — Plus l’homme se diminue, mieux il vaut.

1. On dit qu’un homme de bien ne peut pas faire autrement que de se fâcher contre les méchants. Mais si cela est ainsi, plus l’homme est bon comparativement aux autres, plus il doit se mettre en colère contre eux ; en réalité, plus un homme est bon, plus il est doux et bon pour tous les autres hommes. Cela tient à ce qu’un homme bon se souvient que lui aussi a souvent péché, et que s’il s’irrite contre les méchants, il doit, tout d’abord, s’irriter contre lui-même. SÉNÈQUE.

2. Un homme raisonnable ne peut pas se fâcher contre les hommes méchants et déraisonnables. — Comment puis-je ne pas me fâcher s’ils sont voleurs et filous ? dis-tu. — Qu’est-ce qu’un voleur et un filou ? C’est un homme qui s’est égaré. On doit non pas se fâcher contre un tel homme, mais le plaindre. Si tu peux, persuade-le que ce n’est pas bon pour lui-même de vivre comme il vit, et il cessera de faire le mal. S’il ne le comprend pas encore, quoi d’étonnant qu’il vive ainsi. Tu diras que ces gens là doivent être punis. Si un homme a mal aux yeux et qu’il est devenu aveugle, tu ne diras pas qu’il faut l’en punir. Pourquoi donc veux-tu punir celui qui est privé de quelque chose de bien plus précieux que les yeux, qui est privé du plus grand bonheur qui existe, celui de savoir vivre raisonnablement ?