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— Comment cela ? »

Le Cosaque sourit.

« Tu n’as l’idée de rien ; écoute : quand tu vois un bâton en travers du chemin, ne l’enjambe jamais, fais le tour ou bien jette-le de côté en disant : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! » Puis continue ta route à la grâce de Dieu, il ne t’arrivera pas malheur. Mes pères m’ont enseigné cela.

— Allons donc ! quelle sottise ! dit Olénine ; parlons plutôt de Marianna. Est-ce que Loukachka lui fait la cour ?

— Chut ! tais-toi maintenant, interrompit le vieux à voix basse ; attention ! nous allons traverser le bois. »

Et le vieux, marchant sans bruit dans sa chaussure molle, tourna dans un sentier qui menait dans l’intérieur de la forêt sauvage. Il se retournait de temps en temps et fronçait les sourcils en regardant Olénine, qui faisait du bruit avec ses grosses bottes et accrochait de son fusil les branches qui barraient le passage.

« Silence, soldat ! tout doux ! » disait le vieux d’une voix basse et sévère.

On sentait que le soleil était levé ; le brouillard se dissipait, mais couvrait encore la cime des arbres, qui paraissaient d’une hauteur inaccessible. À chaque pas le passage changeait : ce qui avait paru de loin un arbre n’était qu’un buisson, et un mince roseau faisait l’effet d’un arbre.


XIX


Le brouillard s’élevait, découvrant les toits de joncs tout humides, ou retombant en rosée, humectant le chemin et l’herbe près des haies. La fumée s’élevait de toutes les cheminées ; les habitants de la stanitsa allaient, les uns à la rivière, les autres à l’ouvrage, les troisièmes au cordon. Les deux chasseurs marchaient de front le long du