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— Je te jure que non.

— La femme est un vrai démon, dit Jérochka en réfléchissant. Comment était-il, ce Cosaque ?

— Je n’ai pas pu le distinguer.

— Avait-il un bonnet à hauts poils blancs ?

— Oui.

— Un caftan rouge ? Était-il de ta taille ?

— Non, plus grand.

— Alors c’est lui ! » Et Jérochka éclata de rire. « C’est mon Marka ! c’est-à-dire Loukachka ; je l’appelle Marka pour plaisanter. C’est lui-même, j’aime ça. J’étais ainsi autrefois. Il ne faut pas prendre garde aux parents. Il arrivait que ma douchinka dormait avec sa mère et sa belle-sœur, et malgré cela je parvenais jusqu’à elle. Elle logeait très haut. La mère était une vraie sorcière, une diablesse, et ne pouvait me souffrir. Je venais sous sa fenêtre avec mon ami Guirtchik, je grimpais sur ses épaules, levais la croisée et tâtonnais ; elle dormait sur un banc près de la fenêtre. Une nuit, je la réveille ; elle ne me reconnaît pas, jette un cri : « Qui est-ce ? » Et moi, je n’ose parler, la mère remuait ; j’ôte mon bonnet, et je lui ferme la bouche avec ; elle me reconnaît aussitôt à l’ourlet du bonnet, saute de son banc et vient me rejoindre. Je ne manquais de rien alors ; elle m’apportait du lait caillé, du raisin, de tout au monde, ajouta Jérochka, et elle n’était pas la seule. Quelle existence !

— Et maintenant donc ?

— Suivons le chien, plantons un faisan sur l’arbre et tirons dessus !

— Tu aurais dû faire la cour à Marianna.

— Fais attention aux chiens ; je t’en donnerai des nouvelles ce soir, » dit le vieux, montrant son favori Lamm.

Ils gardèrent le silence.

Au bout de cent pas, le vieux s’arrêta devant une branche tombée au travers du chemin.

« Vois-tu ? dit-il, crois-tu que ce ne soit qu’une branche tombée par hasard ? Non, il y a du malin là-dessous.