Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qu’est-ce donc que ce salut ?

— Tu ne le sais pas ? Oh ! les gens d’aujourd’hui ! Tu fais bien de me consulter ; écoute et répète après moi. »

(L’exorcisme commence par : « Salut, vous qui habitez Sion… ». Le reste est intraduisible.)

« Eh bien ! l’as-tu retenu ? Répète ! »

Lucas se mit à rire.

« Mais, diadia, est-ce à cause de cela qu’on ne t’a pas tué ? Peut-être n’est-ce que l’effet du hasard ?

— Vous croyez tous être pétris d’esprit ! Apprends ces mots et répète-les, tu ne t’en trouveras pas plus mal. »

Et le vieux se mit à rire.

« Pourtant ne va pas chez les Nogaïs, Lucas !

— Et pourquoi pas ?

— Les temps et les hommes sont changés ; vous n’êtes plus que de la racaille ! Et puis, voyez, que de Russes on nous a envoyés ! Ils vous mettront aussitôt sous jugement. Laisse cela ! ma foi, tu n’en es pas capable ! C’était bien autrement quand j’allais avec Guirtchik… »

Et le vieux commença un de ses interminables récits. Loukachka mit la tête à la fenêtre.

« Il fait jour, dit-il, interrompant le vieux ; il est temps… Viens me voir.

— Que le Christ te garde ! et moi, je vais chez l’officier ; j’ai promis de le mener à la chasse, il me paraît bon diable. »


XVII


Quand Lucas revint chez lui, un épais brouillard s’élevait de terre et enveloppait tout le bourg. On entendait de différents côtés le mouvement du bétail ; les coqs chantaient de plus en plus. L’air s’éclaircissait et la population s’éveillait. Ce ne fut qu’en approchant que Lucas reconnut