Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et le diadia, est-il mort ? Non, j’existe ! Donne-moi un cheval et j’irai tout de suite chez les Nogaïs.

— Pourquoi parler inconsidérément ? reprit Lucas ; dis-moi plutôt comment faire avec Guireï ? Il m’engage à lui amener les chevaux jusqu’au Térek, et il trouvera bien le moyen de les cacher. Mais comment se fier à ce front d’airain ?

— Tu peux te fier à Guireï : il est d’une bonne race ; son père était un ami sûr. Mais, écoute, je ne t’enseignerai rien de mauvais : fais-lui prêter serment, tu peux alors être tranquille ; pars avec lui, mais aie toujours un pistolet à ta portée. Surtout sois sur tes gardes quand vous ferez le partage des chevaux. Un Tchétchène a manqué me tuer un jour que je lui demandais dix monnaies par cheval. Fie-toi à lui, mais ne quitte pas tes armes, même en dormant. »

Lucas écoutait attentivement.

« Est-ce vrai, dit-il après un moment de silence, que tu aies une herbe magique ?

— Non, ce n’est pas vrai ; mais je te dirai où la trouver, parce que tu es un bon garçon et que tu as soin du vieux diadia. Veux-tu ?

— Je t’en prie.

— Connais tu la tortue ? C’est le diable !

— Comment ne pas la connaître ?

— Trouve son nid, fais un treillage en branches tout autour, afin qu’elle ne puisse passer. Elle reviendra, tournoiera autour, s’en ira chercher l’herbe magique et l’apportera pour casser le treillage. Le lendemain matin, viens de bonne heure et cherche où la haie est cassée ; là tu trouveras l’herbe ; prends-la et garde-la : tout te réussira.

— En as-tu essayé, diadia ?

— Non ; mais les bonnes gens y croient. Je n’ai jamais eu d’autre talisman que le salut au moment de me mettre en selle.