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sant signe au jeune homme : « Suis-je farceur ? Est-elle belle, cette reine-là ! hein ? »

— Bien belle, dit Olénine ; fais-la venir ici.

— Ni, ni, ni ! répondit le vieux. Lucas veut l’épouser : Lucas, le jeune Cosaque, le djighite qui a tué l’Abrek. Je t’en trouverai une plus belle, une cousue de soie et d’or ; je l’ai dit, et je tiendrai parole.

— Que dis-tu, vieux ? C’est un péché, lui dit Olénine.

— Péché ! Où est le péché ? répondit le vieux d’un ton décidé ; est-ce pécher que de regarder une jolie fille ! L’aimer, est-ce un péché ? C’est votre idée, à vous autres ! Non, père, ce n’est pas le péché, mais le salut ! Dieu, qui t’a créé, a aussi créé la femme. Il a tout créé. Non, admirer une jolie fille n’est pas un péché ! Elle est faite pour être aimée et admirée. Voilà mon opinion à moi, mon brave ! »

Marianna traversa la cour et entra dans un cellier rempli de tonneaux ; elle fit la prière d’usage en approchant de la tonne. Vania restait à la porte et souriait en regardant la jeune fille ; elle lui paraissait bien drôle, avec sa chemise tendue par derrière et plus courte par devant ; mais c’était surtout son collier en monnaies d’argent qui l’amusait. Il se disait qu’on rirait bien dans son village, en Russie, en voyant fille pareille. La fil, comme cé très bié, pour changer, dirai-je à mon maître, pensait-il.

« À quoi bayes-tu, diable ? cria tout à coup la jeune Cosaque ; donne le flacon. »

Elle remplit la carafe de vin rouge et la présenta à Vania.

« Donne ça à ma mère », dit-elle, repoussant la main de Vania qui lui offrait l’argent.

Vania sourit.

« Pourquoi êtes-vous si méchante, ma chère petite ? » dit-il avec bonhomie, se dandinant d’un pied sur l’autre pendant que la jeune fille bouchait le tonneau.

Elle se mit à rire.

« Et vous ? Seriez-vous bons, par hasard ?