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la barbe par le barbier du régiment ; il avait tiré son pantalon par-dessus ses bottes, en témoignage des bons quartiers occupés par la compagnie. Il avait jeté un regard scrutateur et malveillant à Jérockha, qui lui paraissait un animal inconnu et étrange, et il avait branlé la tête en voyant le plancher souillé de boue. Il prit de dessous un banc deux flacons vides et alla trouver les maîtres de la maison.

« Bonjour, mes très chers, leur dit-il, décidé à être très aimable ; mon maître voudrait acheter du vin nouveau ; donnez-m’en, mais du bon. »

La vieille ne répondit pas. La jeune fille se tenait devant un petit miroir et ajustait un mouchoir sur sa tête ; elle se tourna en silence vers Vania.

« Je payerai, mes respectables amis, continua Vania, faisant sonner des gros sous dans sa poche. Soyez bons, nous le serons aussi ; vaut mieux être d’accord qu’autrement.

— Combien t’en faut-il ? demanda brusquement la vieille.

— Un huitième de litre.

— Va, mon enfant, dit Oulita à sa fille, prends du tonneau commencé, ma chérie. »

La jeune fille prit les clefs, une carafe, et quitta, la chambre, suivie de Vania.

« Dis-moi qui est cette femme ? » disait Olénine au vieux Cosaque, voyant Marianna passer sous sa fenêtre.

Le vieux cligna de l’œil et poussa du coude le jeune homme.

« Attends ! dit-il, et il mit la tête à la fenêtre. Hem ! hem ! il se mit à tousser et à grogner : « Marianouchka ! hé ! Marianouchka ! aime-moi, ma chère âme ! » Suis-je farceur ? » dit-il bas à Olénine.

La jeune fille ne tourna pas la tête et continua son chemin de ce pas élastique et ferme particulier aux femmes cosaques, mais elle coula un long regard vers le vieillard, de ses yeux noirs et voilés.

« Aime-moi, et tu seras heureuse ! cria Jérochka. Fai-