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La démarche ferme de la jeune fille, ses yeux étincelants sous le mouchoir blanc, ses regards de biche effarouchée, sa taille élancée et bien prise, frappèrent encore plus Olénine. C’est elle ! se dit-il, et, pensant bien plus à la belle Marianna qu’à son logement, il s’approcha de Vania.

« Voyez, dit celui-ci, la fille est tout aussi sauvage que le reste ! une vraie cavale des steppes ! »

Vania déballait les effets apportés par le chariot et s’était rasséréné.

« La femme ! » ajouta-t-il en français d’un ton haut et solennel, et il partit d’un éclat de rire.


XI


Le khorounji revint de la pêche vers le soir et, apprenant que le logement lui serait payé, il calma sa femme et accéda aux exigences de Vania.

Les maîtres de la maison cédèrent leur cabane d’été à Olénine et déménagèrent eux-mêmes dans celle de l’hiver. Sa chambre mise en ordre, Olénine déjeuna et s’endormit. Il se réveilla assez tard, fit sa toilette avec soin, puis se mit à la fenêtre qui donnait sur la rue. La chaleur diminuait, l’ombre de la cabane avec son faîte ciselé s’allongeait en biais à travers la rue et se brisait à la maison d’en face dont le toit de jonc étincelait aux rayons du soleil couchant. L’air fraîchissait, tout était silence, les soldats étaient installés, le troupeau et la population ouvrière n’étaient pas rentrés. La maison qu’occupait Olénine était presque au bout de la stanitsa ; de sourdes détonations s’entendaient au loin, au delà du Térek, des endroits d’où arrivait Olénine. Il se sentait à l’aise après trois mois de bivouac, son visage rafraîchi par l’eau, son corps reposé, ses membres dégourdis. Au moral il était de