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à la kriga ! Que signifie kriga ? personne ne le sait, ils l’ont inventé eux-mêmes ! »

Et Vania se détourna.

« Ah ! ce n’est pas comme chez nous à la campagne ! dit Olénine, pour le taquiner et sans quitter sa monture.

— Donnez donc votre cheval, dit Vania, fort en peine du nouvel ordre de choses, mais s’y résignant.

— Un Tatare a donc plus de dignité ? hé ! Vania ! continua Olénine descendant de cheval et frappant de la main sur la selle.

— Riez, monsieur, il y a vraiment de quoi rire ! grogna Vania.

— Allons ! ne te fâche pas, Ivan Vassilitch ! dit Olénine souriant toujours, j’irai trouver l’hôte et j’arrangerai tout Tu verras quelle joyeuse vie nous mènerons ; ne te fâche pas. »

Vania ne répondit pas, mais, souriant avec dédain et clignant des yeux, il suivit du regard son maître et hocha la tête.

Vania ne croyait voir en Olénine que son maître, et Olénine en lui rien que son valet de chambre ; pourtant ils se trompaient, et tous deux auraient été fort étonnés d’apprendre qu’au fond ils étaient amis intimes, sans s’en douter. Vania était entré à onze ans dans la maison seigneuriale ; Olénine était alors du même âge. À quinze ans il commença à s’occuper de l’éducation de Vania et lui enseigna un peu de français, ce dont Vania tirait vanité, et maintenant encore, dans ses bons moments, il disait quelques mots de français, les accompagnant toujours d’un rire bête.

Olénine monta en courant le perron de la cabane et poussa la porte du vestibule. Marianna, vêtue seulement d’une chemise rose, selon l’usage des filles cosaques, s’éloigna d’un bond de la porte et s’adossa au mur, se couvrant une partie du visage de sa large manche tatare.

Olénine vit dans le demi-jour du vestibule la taille