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— Oui-da ! essaye !

— Voilà une idée ! on dirait qu’il y a peu de filles à la stanitsa. »

Lucas se remit à siffler et avançait vers le cordon, arrachant les feuilles des branches sur son passage. Il s’arrêta devant un mince arbrisseau droit et dénudé, tira son couteau et le coupa.

« Cela me fera une fameuse baguette pour mon fusil », dit-il, en fendant l’air de la tige coupée.

Les Cosaques soupaient assis à terre dans le vestibule de la cabane, autour d’une table basse tatare. Ils se demandaient qui irait cette nuit au secret.

« Qui donc est de service aujourd’hui ? cria l’un d’eux à l’ouriadnik, par la porte entrebâillée.

— Le tour de qui est-ce ? répondit l’ouriadnik de l’autre chambre ; Bourlak y a été ; Thomouchkine de même, ajouta-t-il d’une voix incertaine. Lucas n’ira-t-il pas avec Nazarka ? Puis Ergouchow, qui, j’espère, a assez cuvé son vin.

— Il paraît que toi, tu n’es pas bien réveillé ! » dit Nazarka à voix basse.

Les Cosaques se mirent à rire.

Ergouchow était le Cosaque enivré qui dormait à la porte de l’izba ; il venait de s’éveiller et entrait en se frottant les yeux.

Loukachka se leva et examina son fusil.

« Soupez et partez vite », dit l’ouriadnik ; et, sans attendre l’assentiment des Cosaques, il ferma brusquement la porte, comptant peu sur la soumission de ses subalternes.

« Si je n’avais pas d’ordre précis, je n’aurais envoyé personne, mais le centenier peut survenir, et puis on dit que huit Abreks ont passé l’eau.

— Eh bien ? il faut partir, dit Ergouchow, il n’y a pas de temps à perdre ; le service l’exige, partons ! »

Lucas tenait de ses deux mains un morceau de faisan et regardait tantôt Nazarka, tantôt le chef, riant sous cape de