Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/310

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui, sur le rempart, des uniformes bleus et deux Français qui enclouaient déjà un canon. Excepté Melnikoff, tué d’une balle à côté de lui, et Vlang, qui, les yeux baissés, le visage enflammé par la fureur, brandissait l’anspect, il n’y avait plus personne.

« Suivez-moi, Vladimir Sémenovitch, suivez-moi ! » criait Vlang d’une voix désespérée en se défendant avec le levier contre les Français venus par derrière. L’aspect menaçant du junker et le coup dont il assomma l’un d’eux les arrêtèrent. « Suivez-moi, Vladimir Sémenovitch ; qu’attendez-vous ? fuyez ! » et il se précipita dans la tranchée d’où notre infanterie tirait sur l’ennemi. Il en ressortit pourtant aussitôt, pour voir ce qu’était devenu son lieutenant adoré. Quelque chose d’informe, revêtu d’une capote grise, gisait la face contre terre, à la place où s’était tenu Volodia, et l’espace tout entier était occupé par les Français, qui tiraient sur les nôtres.


XXVI


Vlang retrouva sa batterie sur la deuxième ligne de défense, et, des vingt soldats qui la composaient naguère, huit seulement étaient restés en vie.

Vers les neuf heures du soir, Vlang avec ses hommes traversaient la baie en bateau à vapeur dans la direction de la Sévernaïa. Le bateau était chargé de blessés, de canons et de chevaux ; le tir avait cessé partout. Comme la veille, les étoiles brillaient au ciel, mais le vent soufflait avec force et agitait la mer. Sur le premier et le deuxième bastion, des éclairs s’allumaient partout à ras de terre, précédant quelques explosions qui ébranlaient l’atmosphère et permettaient de voir des pierres et des objets noirs d’une formé étrange lancés dans les airs ; quelque chose brûlait près des docks, et une flamme rouge se