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« Bonjour, bonnes gens ! dit-il de la même voix vigoureuse et rude, sans aucun effort, mais comme s’il voulait se faire entendre de quelqu’un de l’autre côté de la rivière.

— Bonjour, bonjour, diadia ! s’écrièrent de tous côtés les voix joyeuses des jeunes Cosaques.

— Qu’avez-vous vu ? dites ! cria Jérochka, essuyant d’un pan de son caftan la sueur de son visage enflammé.

— Écoute, diadia, quelque épervier est blotti dans cette tchinara !… Hier soir il tournoyait sans cesse au-dessus de l’arbre, dit Nazarka, faisant signe de l’œil à ses camarades.

— Tu mens ! dit le vieux avec défiance.

— Vrai ! tu n’as qu’à faire le guet », dit Nazarka en riant.

Les Cosaques éclatèrent de rire.

Le malin Nazarka n’avait vu aucun épervier, mais les jeunes gens avaient l’habitude de taquiner Jérochka chaque fois qu’il venait au cordon.

« Tu n’as que des sottises à dire ! dit Lucas à Nazarka, qui se tut à l’instant.

— Eh bien ! j’attendrai ici, dit Jérochka à la grande joie des Cosaques. N’avez-vous pas vu de sangliers ?

— Où les voir ? dit l’ouriadnik, enchanté de l’occasion de causer, et se grattant le dos des deux mains ; nous avons les Abreks à guetter et non les sangliers. N’as-tu rien entendu, hein ? ajouta-t-il en clignant des yeux et en montrant ses dents blanches.

— À propos des Abreks ? demanda le vieux, non, rien. Avez-vous de l’eau-de-vie ? donnez-m’en un petit verre, bonnes gens ! Je suis très fatigué. Donne-m’en une goutte, dit-il à l’ouriadnik, et je t’apporterai sous peu de la chair de sanglier ; vrai, je t’en apporterai.

— Vas-tu rester ici ? demanda l’ouriadnik, faisant semblant d’ignorer la demande du vieux.

— Je passerai la nuit ici, répondit Jérochka ; il se peut que pour la grande fête j’abatte du gibier, et tu en auras ta part, vrai comme Dieu existe. »