— Non, un camarade !
— Conduisez-les », dit-elle en français à la jeune sœur, et elle les quitta, accompagnée de l’aide-chirurgien, pour s’approcher d’un blessé.
« Voyons, allons, qu’as-tu à regarder ainsi ? » dit Koseltzoff à Volodia arrêté, ses sourcils relevés, et dont les yeux, pleins d’une sympathie douloureuse, ne pouvaient se détacher des malades, qu’il ne cessait d’examiner en suivant son frère et en répétant malgré lui : « Ô mon Dieu ! mon Dieu ! »
« Il vient d’arriver, n’est-ce pas ? demanda la jeune sœur à Koseltzoff en indiquant Volodia.
— Oui, il vient d’arriver. »
Elle le regarda de nouveau et fondit en larmes, en répétant avec désespoir : « Mon Dieu ! mon Dieu ! quand cela finira-t-il ? »
Ils entrèrent dans la salle des officiers. Martzeff y était couché sur le dos, ses bras musculeux découverts jusqu’au coude, passés sous la tête. L’expression de son visage jaunâtre était celle d’un homme qui serre les dents pour ne pas crier de douleur. Sa jambe bien portante, chaussée d’un bas, sortait de dessous la couverture, et les orteils s’agitaient convulsivement.
« Eh bien, comment vous sentez-vous ? demanda la jeune sœur en soulevant la tête un peu chaude du blessé et lui arrangeant l’oreiller de ses doigts fluets, sur l’un desquels Volodia aperçut une bague en or. Voilà vos camarades qui viennent vous voir.
— Je souffre, bien entendu, reprit-il avec irritation ; ne me touchez pas, c’est bien comme ça », et les orteils dans le bas s’agitèrent d’un mouvement nerveux. « Bonjour ! comment vous appelle-t-on ? Ah ! pardon, — lorsque Koseltzoff se fut nommé, — on oublie tout ici, et pourtant nous avons demeuré ensemble », ajouta-t-il sans exprimer la moindre joie, et il regardait Volodia d’un air interrogateur.