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meubles, était conduite par une femme. De l’autre côté, personne ne les arrêta au passage.

Se serrant instinctivement contre la muraille de la batterie Nicolas, les deux frères la longèrent en silence, l’oreille tendue, au bruit des bombes qui éclataient au-dessus de leurs têtes, au rugissement des éclats précipités d’en haut, et atteignirent enfin l’endroit de la batterie où se trouvait placée l’image sainte. Là ils apprirent que la cinquième légère, que Volodia devait rejoindre, se trouvait à la Korabelnaïa ; ils se décidèrent en conséquence, malgré le danger, à aller coucher au cinquième bastion et à se rendre de là le lendemain à la batterie. S’engageant dans l’étroit couloir, enjambant les soldats qui dormaient le long de la muraille, ils parvinrent enfin à l’ambulance.


X


En entrant dans la première chambre, garnie de lits sur lesquels étaient couchés des blessés, ils y furent saisis par l’odeur lourde et nauséabonde qui est particulière aux hôpitaux ; deux sœurs de charité vinrent à leur rencontre : l’une d’elles, âgée de cinquante ans environ, avait un visage sévère ; elle tenait dans ses mains un paquet de bandages et de charpie et donnait des ordres à un très jeune aide-chirurgien qui la suivait ; l’autre, une jolie fille de vingt ans, avait une figure de blonde, pâle et délicate ; celle-là, sous son petit bonnet blanc, paraissait particulièrement gentille et timide ; elle suivait sa compagne les mains dans les poches de son tablier, et l’on voyait qu’elle avait peur de rester en arrière.

Koseltzoff les pria de lui indiquer Martzeff, qui, la veille, avait perdu une jambe.

« Du régiment de P… ? demanda la plus âgée des deux sœurs. Êtes-vous son parent ?