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est arrivé à temps… On les a repoussés, mais le chef du régiment est tué, beaucoup d’officiers aussi… On demande des renforts. »

Ce disant, il passa avec Kalouguine chez le général, où nous ne le suivrons pas.

Cinq minutes plus tard, Kalouguine partait pour le bastion sur un cheval qu’il montait à la cosaque, genre d’équitation qui semble toujours procurer aux aides de camp un plaisir particulier ; porteur de certains ordres, il devait attendre le résultat définitif de l’affaire. Quant au prince Galtzine, agité par la pénible émotion que font naître habituellement sur le spectateur oisif les indices certains d’un combat qui s’engage, il sortit vivement dans la rue pour y marcher sans but en long et en large.


V


Les soldats portaient des blessés sur les brancards et en soutenaient d’autres sous les bras ; il faisait tout à fait obscur dans la rue ; de loin en loin brillaient des lueurs aux fenêtres d’un hôpital ou dans le logement d’un officier qui veillait. Des bastions arrivait le bruit ininterrompu de la canonnade et de la fusillade, et toujours les mêmes feux s’allumaient sur le ciel noir. De temps en temps on distinguait le galop d’une ordonnance, le gémissement d’un blessé, les pas et les voix des brancardiers, les exclamations des femmes affolées qui se tenaient sur le seuil des maisons et regardaient du côté de la canonnade.

Parmi ces dernières nous retrouvons notre connaissance Nikita, la vieille veuve du matelot, avec laquelle il avait fait la paix, et la petite fille de cette dernière, une enfant de dix ans.

« Ô mon Dieu, très sainte Vierge et mère ! » murmurait en soupirant la vieille.