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étoile, mais elle descend, la voilà qui éclate ! Et cette grande étoile, là-bas, comment l’appelle-t-on ? on dirait une bombe !

— J’y suis tellement habitué, qu’un ciel étoilé me semblera constellé de bombes quand je reviendrai en Russie. On s’y fait si bien !

— Ne devrais-je pas aller prendre part à cette sortie ? fit le prince Galtzine après une pause.

— Quelle idée, mon cher ! N’y pense pas, je ne te laisserai pas partir, tu auras bien le temps…

— Sérieusement ? Tu crois que je puis ne pas y aller ? »

À ce moment, dans la direction du regard de ces messieurs, on entendit à travers le grondement de l’artillerie la crépitation d’une terrible fusillade : mille petites flammes jaillirent et brillèrent sur toute la ligne.

« Voilà, ça y est en plein… dit Kalouguine ; je ne puis pas entendre de sang-froid ce bruit de fusillade, il me prend à l’âme ! Ils crient : Hourra ! ajouta-t-il en tendant l’oreille vers les bastions d’où arrivait la clameur éloignée et prolongée de milliers de voix.

— Qui est-ce qui crie : Hourra ! eux ou nous ?

— Je ne sais pas, mais on se bat à l’arme blanche pour sûr, car la fusillade s’est calmée. »

Un officier à cheval, suivi d’un Cosaque, arriva au galop sous leur fenêtre, s’arrêta et mit pied à terre.

« D’où venez-vous ?

— Du bastion, pour voir le général.

— Allons. Qu’y a-t-il ? dites !

— Ils ont attaqué, occupé les logements… Les Français ont fait avancer leurs réserves… les nôtres ont été attaqués… et il n’y avait que deux bataillons », disait l’officier d’une voix essoufflée.

C’était le même qui était venu dans la soirée ; mais cette fois il se dirigea vers la porte avec assurance.

« Et alors on s’est retiré ? demanda Galtzine.

— Non, répondit l’officier d’un ton bourru ; un bataillon