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rence. Connaissant peu le prince Galtzine, il n’avait nulle envie d’accuser devant lui son intimité avec un simple capitaine en second de l’infanterie ; il se borna à saluer légèrement.

« Eh bien ! capitaine, dit Kalouguine, quand retournons-nous à ce petit bastion ? Vous rappelez-vous notre rencontre sur la redoute Schwarz ? Il y faisait chaud, hein !

— Oui, il y faisait chaud, répondit Mikhaïlof, se souvenant de cette nuit où, en suivant la tranchée pour gagner le bastion, il avait rencontré Kalouguine marchant avec désinvolture et faisant bravement sonner son sabre. J’aurais dû n’y retourner que demain, poursuivit-il, mais nous avons un officier malade. » Et il allait raconter comme quoi, bien que ce ne fût pas son tour de prendre le service, il avait cru de son devoir de se proposer à la place du lieutenant Nepchissetzky, parce que le commandant de la 8e compagnie était indisposé et qu’il n’y était resté qu’un enseigne ; mais Kalouguine ne lui laissa pas le temps d’achever.

« Je pressens, dit-il en se tournant vers le prince Galtzine, qu’il y aura quelque chose ces jours-ci.

— Mais ne se pourrait-il pas qu’il y eût quelque chose aujourd’hui ? » demanda timidement Mikhaïlof, regardant tour à tour Kalouguine et Galtzine.

Personne ne lui répondit ; le prince Galtzine fit une légère grimace, et, jetant un regard de côté par-dessus la casquette de Mikhaïlof :

« Quelle jolie fillette ! dit-il après un moment de silence, là-bas, avec ce mouchoir rouge ! la connaissez-vous, capitaine ?

— C’est la fille d’un matelot ; elle demeure près de chez moi, répondit celui-ci.

— Allons la regarder de plus près. »

Et le prince Galtzine entraîna par le bras, d’un côté Kalouguine, de l’autre le capitaine en second, persuadé qu’il procurait à ce dernier, en agissant ainsi, une vive