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et être soumise et laborieuse comme la femme d’Orient. Sous ce régime sévère, la femme cosaque se développe singulièrement, au physique comme au moral, et, quoique résignée en apparence, elle n’en acquiert pas moins plus d’autorité réelle dans le foyer domestique que les femmes de l’Occident. Éloignée de la vie sociale, condamnée à de rudes travaux, c’est pourtant elle qui règne dans sa cabane. Le Cosaque croirait déroger en causant familièrement avec sa femme ou en ayant quelques égards pour elle en présence d’étrangers ; mais dans le tête-à-tête il reconnaît sa suprématie et sait que c’est elle qui, par son activité, apporte l’abondance dans le ménage. Le Cosaque trouve humiliant de travailler, et laisse tout l’ouvrage à son ouvrier, le Nogaïs, et à sa femme esclave, mais il s’avoue, bien que vaguement, que c’est à elle qu’il doit son bien-être et l’aisance, et qu’il est en son pouvoir de l’en priver. La femme cosaque, sans cesse courbée sous le poids du gros ouvrage et de soucis continuels, acquiert une force physique extraordinaire, beaucoup de bon sens, surtout d’indépendance et de fermeté de caractère. Elle est plus forte, plus intelligente, plus belle que les hommes de sa race. Sa beauté offre un mélange frappant du pur type tcherkesse avec celui de nos femmes du Nord. Elle porte le costume tcherkesse, qui consiste en une chemise tatare, un bechmet[1], des souliers tatares, mais elle attache le mouchoir sur sa tête à la russe. L’élégance recherchée dans sa toilette et l’exquise propreté dans sa cabane sont chez elle une habitude et une nécessité de l’existence. Les femmes, et surtout les jeunes filles, jouissent d’une grande liberté dans leurs rapports avec les hommes. La stanitsa Novomlinska forme le centre de la tribu cosaque de Grebenskoy. C’est là que se sont le mieux conservées les mœurs des anciens Cosaques, et les femmes y ont une grande réputation de beauté.

  1. Jaquette brodée.