« Qu’est-ce ? Où allez-vous ? demanda Olénine, ayant de la peine à se faire entendre.
— Nous allons saisir des Abreks dans les brisants ; nous partons à l’instant, mais nous sommes trop peu nombreux. »
Les Cosaques avançaient tout en parlant et en criant. Olénine se fit un devoir de les accompagner, espérant être bientôt de retour. Il s’habilla, chargea sa carabine, sauta sur son cheval, sellé à la hâte par Vania, et courut rejoindre les Cosaques. Ils s’étaient arrêtés et tiraient du vin d’un baril qu’on venait d’apporter ; ils en versaient dans une écuelle de bois et buvaient, après une courte prière au succès de leur entreprise. Le commandement des Cosaques avait été pris par un khorounji jeune, élégant, arrivé par hasard. Mais le jeune khorounji avait beau se donner des airs de chef, les Cosaques n’obéissaient qu’à Loukachka, et, quant à Olénine, personne ne faisait attention à lui. Quand ils se remirent en selle et partirent, Olénine s’approcha du khorounji et lui demanda de quoi il s’agissait, mais le jeune chef, ordinairement affable, lui répondit du haut de sa grandeur. C’est avec peine qu’Olénine comprit ce qui était arrivé : la patrouille envoyée à la recherche des Abreks en avait surpris plusieurs dans les brisants, à huit verstes de la stanitsa. Les Abreks, blottis dans un enfoncement, tiraient sur les Cosaques.
L’ouriadnik avait laissé deux Cosaques en sentinelle et était venu chercher du renfort.
Le soleil se levait ; à trois verstes de la stanitsa les steppes se déroulaient ; de tous côtés on ne voyait qu’une plaine uniforme, triste, aride, sillonnée de rares sentiers ; l’herbe était fanée ; on apercevait quelques roseaux dans les enfoncements et quelques tentes de nomades à l’horizon. L’absence d’arbres et la teinte mélancolique du paysage frappaient partout. Dans les steppes le soleil se lève et se couche comme un globe rouge ; le vent y soulève des tourbillons de sable ; quand l’air est calme, comme ce