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Olénine avait passé la matinée à attendre Marianna dans la cour ; mais, les soins du ménage achevés, la jeune Cosaque était allée à la chapelle, puis elle s’était établie sur le remblai avec les autres filles et grignotait des graines. Elle était accourue plusieurs fois à la maison avec des marchandes ambulantes et jetait en passant un regard caressant à Olénine. Il n’osait lui adresser la parole devant témoin, mais tenait à achever sa conversation de la veille et à obtenir une réponse décisive. Il attendait un moment opportun, mais ce moment ne venait pas, et il n’avait pas la force d’attendre encore. Il la suivit, mais passa le coin de la rue où elle était assise, sans l’approcher ; il l’entendit rire derrière lui, et son cœur se serra. En passant devant la cabane de Béletsky, qui donnait sur la place publique, Olénine s’entendit appeler, et il entra.

Après avoir causé un moment, les jeunes gens se mirent à la fenêtre.

Jérochka, vêtu d’un cafetan neuf, les rejoignit et s’assit à terre.

« Voilà le groupe aristocratique, dit Béletsky en souriant et en indiquant un groupe bigarré ; la mienne y est : la voyez-vous en rouge ? C’est une robe neuve… Eh bien, vous ne commencez pas les rondes ? cria-t-il par la fenêtre. Quand il fera sombre, nous irons les rejoindre, nous les mènerons chez Oustinka et nous leur donnerons un bal.

— J’irai, dit Olénine d’un ton décidé. Marianna y sera-t-elle ?

— Certainement ! répondit Béletsky nullement étonné. N’est-ce pas pittoresque ? ajouta-t-il, parlant de la foule bigarrée.

— Charmant, dit Olénine, affectant l’indifférence. Quand je vois de pareilles fêtes, je me demande toujours pourquoi ces gens se mettent en joie parce que c’est tel ou tel jour du mois ? Tout a un air de fête : leurs visages, leurs mouvements, leurs costumes, l’air, le soleil même paraissent joyeux. Nous n’avons rien de pareil chez nous.